« Mère câlinette » « Mère absente » « Mère encombrante » « Mère en attente »…

Cet été est celui de tous les bilans. De soi avec soi, soi dans son couple, soi avec ses enfants. Et aujourd’hui c’est de cette dernière dimension dont j’avais envie de vous parler.

En revoyant les photos il y a 9 ans en arrière de mon fils durant nos vacances au même endroit qu’actuellement, je remarque que- et oui constat un poil gênant – j’ai vieilli et mon garçon a forcément grandi « trop » vite.

À 5 mois, nous l’amenions en Espagne dans la chaleur étouffante du mois d’août. Sans climatisation, mère-allaitante, les yeux cernés, mon corps ne suivait pas. Mes envies non plus. Goût à rien. Trop. Il y avait eu beaucoup et j’avais sous-estimé le fait d’être mère. Surtout avec les exigences prises sur mes épaules suite à mes apprentissages, lectures et toutes les croyances que je m’étais façonnée en tant qu’éducatrice. Je me malmenais, en faisais trop, n’en pouvais plus. Ai-je profité de ces temps de repos ? Non, je pense aujourd’hui pouvoir dire, c’est un aveu peu confortable pour moi, que j’ai vécu une dépression post-partum…oh petite, de rien du tout. Je minimise, n’aimant pas ce mot, cette maladie. J’ai mis un an avant de retrouver la vitalité perdue. Encore aujourd’hui, le mot dépression me fait frissonner…cette maladie est-elle la nôtre ou celle crée par notre société. Je ne souhaite pas nier le fait que les hormones font vivre des aléas, des sautes d’humeur et que les idées noires qui en découlent sont à prendre à la légère. Au contraire ! Mais comment en sommes-nous arrivées-là ? À une telle dose de perfection maternelle pour ne pas nous autoriser à vivre ces périodes de grands chamboulements sans nous juger ?

Pas plus tard qu’il y a deux jours, je voyais sur la plage, une femme avec un bébé du même âge que le mien à l’époque. Toute douce, elle semblait très à cheval sur la propreté du matériel de bain sur lequel elle demeurait avec son tout-petit. Le peu de sable que sa fille d’environ 3 ans emmenait sur la serviette avec son enthousiasme, l’agaçait. Qui en faisait les frais ? La fillette ? non, pas exactement : le père. Impuissant. Jouant les tampons entre sa femme et la petite. Tensions dans le couple. Une nouvelle arrivée change la systémique familiale, les places se répartissent différemment et il nous faut du temps à tous pour nous acclimater à la nouvelle. Pour les mamans venant d’accoucher, le cumul de fatigue rend l’expérience encore plus éprouvante.

Même si on l’explique, même si des milliers d’articles sont sortis au sujet des post-naissances, il me semble que seule, celle qui le vit ou a vécu cette expérience peut comprendre cette maman sans la trouver sévère. Et le pire, c’est que des années plus tard, on s’en souvient encore et on…culpabilise d’avoir été fatiguée, irritée, peu agréable, gâcheuse d’ambiance.

Que diriez-vous à cette femme ? Ce que vous auriez souhaité entendre également : « C’est normal et logique. Une naissance est une grande aventure et l’héroïne, bien que pleine de ressources, a besoin de repos pour continuer à accompagner ses enfants. »

Je vous invite à lire le livre de Virginie Grimaldi « Et que ne durent que les moments doux », https://virginiegrimaldi.com/et-que-ne-durent-que-les-moments-doux-2/ qui, en relatant la vie de mère, guérit toutes celles qui ont été incomprises et maltraitées. Dans ces moments-là, les théories ne suffisent pas, les mots doux ne s’entendent plus, les caresses deviennent rêches comme des éponges à gratter. L’envie ? Qu’on nous fiche la paix. Seule avec nous-même et notre bébé. Qu’on soit à nos petits soins. Qu’on puisse se révolter parce que nous sommes éreintées.

Et puis le temps passe. Plus l’enfant grandit, plus l’énergie revient, l’harmonie se pose, l’équilibre familial se retrouve.

À 9 ans, mon fils est autonome. Il nage sans moi, crée ses châteaux de sable sans moi. Alors quand je vois cette femme avec son bébé, oui j’ai la nostalgie. Un peu. La douceur des bébés, l’odeur de leurs peaux, les interactions que seules les mères peuvent vivre avec leurs enfants. Et puis je regarde mon grand avec admiration. Je n’ai plus le visage de mes 33 ans, des sillons le traverse. Mon corps, lui se maintient et je peux m’occuper un peu plus de moi. J’ai appris à vivre avec moins d’exigences vis-à-vis de moi-même et à aller avec le flot. Vous remarquerez qu’il m’a fallu une petite dizaine d’années.

Aujourd’hui en travaillant avec les femmes dans mon programme 5 Stelle, (https://tombeduciel.ch/5-stelle-5-etoiles-nov-avril-2022-2023/#),je cherchais une chanson sur la mère. Non pas celle que l’on voit danser…quoique…et je suis tombée sur Louane. Autant dire que les larmes ont coulé : https://youtu.be/oC_ffV–tcE. (Mon fils qui est à côté de moi dit que cette chanson est déprimante, il préfère celle-là : https://youtu.be/wc5vncyWQnY. Est-ce que j’ose lui dire que ce titre est plus vieux que moi ? Pour sa défense, il l’a découvert grâce à une bd d’Astérix et Obélix, comme quoi les années 80 n’ont pris aucune ride)

Peu importe la mère que l’on eue, que l’on est, un constat : celle contre qui on se dresse, à qui on demande des comptes quand tout va mal, celle que l’on rend responsable de notre mal-être, celle de qui on exige être un pilier, forte contre vents et marées : c’est la mère.

Position décevante. Car imparfaites et parfois fragiles, nous manquons d’air, avons besoin d’eau, de nourriture distrayante, de ne pas être à la hauteur. Ce rôle sacré peut paraître magnifique, mais il oppresse. Tant que nous ne nous débarrassons pas de ce que l’on souhaite que l’on soit pour devenir qui l’on souhaite, nous traînons de grosses casseroles. Frustrations, insatisfactions, nous vivons une vie qui ne nous ressemble pas avec le risque que nous le fassions payer à nos enfants plus grands.

« C’est pour toi que je n’ai pas quitté ton père ». « Avec tout ce que j’ai fait pour toi ! »  Phrases assassines et culpabilisantes que les mères sacrificielles renvoient à leurs enfants, les rendant responsables de leurs bonheurs. Un lien de dépendance affective ôtant au rôle de mère tout caractère sacré, n’est-ce pas ?

Ce qui est sacré dans le fait d’être mère ? Les nombreux apprentissages. Sur soi. Son propre fonctionnement. Prendre conscience des effets-miroirs inévitables. J’ai la chance d’avoir un fils qui me ressemble terriblement. Révélateur de mes manquements, de mes erreurs, de mes phrases grotesques, de mes incertitudes, je suis toujours à la recherche de mon centre. Après 9 ans (avec lui), de développement personnel, je me connais mieux et suis vigilante à rester alignée.

Certains auteurs m’y ont aidée, comme William Martin : « Le Tao Te King des Parents », Khalil Gibran « Le Prophète », Isabelle Filliozat, pionnière de notre époque : https://www.filliozat.net/ (que j’ai initialement mal lue ! oui attention ! les messages qu’elles véhiculent ne sont pas des recettes. Prenez le temps de les comprendre, les tester et les adapter à votre mode de vie. Ce sont des principes issus des neurosciences respectant ainsi le développement du cerveau de l’enfant. Comme un cuisinier nous devons apprendre à maîtriser certaines cuissons, utiliser une farine plutôt qu’une autre en fonction du plat. Avant de sortir un Saint-Honoré, autorisons-nous à confectionner un cake au citron. Pas à pas. Etapes après étapes. Cracher la pâtisserie du stagiaire ne l’encourage pas à recommencer. Comme tout travail, celui de parents s’affine en faisant des erreurs. Restons passionnées de la relation. Celle qui nous lie à nos enfants et nous fait grandir. Autorisons-nous à nous planter. À en discuter avec nos enfants. À recalibrer les liens. Le discours d’Isabelle Filliozat va, à mon avis, dans un sens de mieux-être relationnel, non dans la culpabilisation d’une mauvaise éducation. La seule exigence que vous pouvez avoir avec vous et sur laquelle vous devez être intransigeante, c’est la maltraitance physique. Gifles, fessées, claques doivent être bannies et je rejoins Isabelle Filliozat sur ce combat-là.  En 2021, selon un article du Dauphiné (https://www.ledauphine.com/magazine-lifestyle/2021/07/05/la-fessee-rendrait-les-enfants-plus-agressifs-en-grandissant) 85% des parents utiliseraient les châtiments corporels comme moyens éducatifs. C’est un autre sujet, mais sachez que les enfants que l’on ne tape pas, ne deviennent pas tous des tyrans. C’est une croyance et, à mon avis, une méconnaissance émotionnelle de l’être humain mais surtout la preuve d’une grande impuissance parentale. Ne sachant pas répondre ou étant touché, la seule réponse donnée est un coup. Comme je le disais, être parent s’assimile à un travail, avec un code déontologie. Si vous franchissez fréquemment la ligne, c’est que vous manquez d’outils.

Si vous avez des adolescents, Margot Filliozat, la fille d’Isabelle est aussi passionnante que sa mère: https://www.margotfriedfilliozat.com/.

Alors que j’écris ce blog, mon fils, impatient, me tend mon téléphone et me fait écouter le titre d’Aldbebert : https://youtu.be/By2gq3Urvxo. Ecrans, rendez-nous nos parents !

Il est donc temps de vous laisser, de rejoindre celui qui me permet de mettre de la couleur dans ma vie, de la clarté dans mes accompagnements, m’oblige à rester jeune, en forme, en pleine santé, drôle et à l’écoute.

Voici pour terminer, un extrait du Prophète de Khalil Gibran. Alors une femme qui tenait un nouveau-né contre son sein dit : « Parle nous des Enfants.»

Et il répondit :

« Vos enfants ne sont pas vos enfants.

Ils sont les fils et les filles de la vie qui a soif de vivre encore et encore.

Ils voient le jour à travers vous mais nous pas à partir de vous.

Et bien qu’ils soient avec vous ils ne sont pas à vous.

Vous pouvez leur donner votre amour mais non point vos pensées.

Car ils ont leur propre pensée.

Vous pouvez accueillir leurs corps mais non leurs âmes.

Car leurs âmes habitent la demeure de demain que vous ne pouvez visiter même dans vos rêves. Vous pouvez vous évertuer à leur ressembler, mais ne tentez pas de les rendre semblables à vous. Car la vie ne va pas en arrière ni ne s’attarde avec hier.

… »

Acceptons que notre rôle de mère a des limites. La mère toute-puissante n’existe pas et heureusement, elle empêcherait les êtres qu’elle engendre d’être libres de vivre leur existence. Parfois nous n’y arrivons pas, avons besoin de relais, de ne pas être en lien, de silence. Nos limites permettent à nos enfants d’affirmer les leurs aussi. Sans contours clairs, nous n’apprenons pas à nos enfants à dire non quand leur territoire n’est pas respecté. « Les indispensables, il y en a plein les cimetières » ai-je entendu dans une vidéo la semaine passée. Rendons nos enfants libres en ne devenant pas indispensables pour eux à tous moments. Puissent-ils trouver leurs trésors sans nous, leurs forces en eux.

Aujourd’hui il est plus que temps de redéfinir le fait d’être maman. Les modèles d’antan sont partiellement échus dans la société moderne. Chaque génération, chaque femme doit construire son propre modèle maternel. Bien sûr, toutes les transmissions ne sont pas à jeter, de loin pas. D’ailleurs, je vous encourage à trouver les vertus que vous ont léguées les femmes de vos lignées.

« La joie » ? « Le partage » ? « La force » ?

Il y en a un certainement une dont vous avez hérité.

Enfin avant de vous quitter définitivement (avant que mon fils ne me renie totalement), un exercice :

« Mère susceptible », « Mère invincible » « Mère travaillant trop » « Mère douce » « Mère enveloppante »

Si vous deviez dessiner la mère que vous souhaitez être, quels seraient vos attributs ? Vos qualités ? Prenez le temps de noter dans un cahier quelle mère vous souhaitez être. Faites la paix avec celle que vous ne souhaitez pas devenir : Celle qui crie, trépigne, s’agace. Soyez à l’écoute de vos parties moins reluisantes et que vous repoussez. Elles risqueraient bien de revenir au galop sans vous avertir. Plus vous les regardez en face, mieux vous pouvez les apprivoiser et les sentir arrivées.

 

Avec amour pour la mère que vous êtes ou serez.

Aline