Marcel, pourquoi le monde est si cruel? – petite histoire philosophique

13 octobre 2020 articles0 Commentaire

Balade philosophique

Assise en plein milieu de la forêt, Rebecca regardait les arbres. Rien ne bougeait. Elle semblait comme le monde qui l’entourait, immobile. Impassible.

Son regard dans le vide, Rebecca était un avec le reste de la forêt et pourtant tracassée. Tout un tas de questions se bousculaient dans sa tête. Des interrogations philosophiques sur le monde d’aujourd’hui et de demain, sur sa place ici, sur l’être humain.

Plongée dans ses pensées, elle n’entendit pas arriver Marcel.

  • Bonjour chuchota-t-il…voyant bien que la jeune fille était ailleurs.

Avec flottement, elle le regarda.

  • Joli temps d’automne pour se balader, n’est-ce pas !
  • Ummm
  • Vous m’avez l’air pensive ! Quelque chose vous tracasse ?

Rebecca le regarda. Les yeux doux et pétillant de Marcel l’encouragèrent à se dévoiler.

  • Parfois je me demande pourquoi l’être humain possède un cerveau.

Marcel sourit.

  • C’est vrai que c’est une question pertinente.
  • Oui ! regardez…les animaux ont un cerveau nettement moins développé que l’être humain et force est de constater qu’ils sont moins mauvais que les Hommes. Alors à quoi nous sert-il ? est-ce que l’intelligence rend bête ?

Avant de répondre à la longue tirade, Marcel lui demanda s’il pouvait l’accompagner durant sa balade, ce que Rebecca accepta avec plaisir. Quelque chose lui disait que Marcel avec son âge et son apparente sagesse pourrait peut-être lui ouvrir les yeux, lui amener un semblant de réponses.

  • Pour vous répondre. Si l’être humain possède un cerveau c’est justement pour avoir la capacité de créer des concepts, de poser des questions, d’analyser, entre autres. Il vous est très utile en ce moment, non ?
  • Non ! il ne me donne aucune réponse et j’ai l’impression de tourner en rond.
  • Parce que votre cerveau semble avoir l’habitude de prendre toujours le même chemin. Il vous est utile, car vous réfléchissez.
  • Oui c’est sûr, mais ce n’est pas productif. D’ailleurs si notre cerveau nous permettait d’aussi bien réfléchir, pourquoi l’être humain se fait-il du mal, pourquoi la violence, la cruauté ? pourquoi ?

Je ne comprends pas en quoi il nous est utile si c’est pour détruire l’autre.

  • Votre cerveau vous dote d’une capacité d’analyse, de réflexion, cela ne veut pas dire que vous le maîtriser. C’est comme tout outil, quand on ne sait pas le gérer, un outil peut devenir dangereux.
  • Je connais la métaphore de l’outil ! Allons plus loin. Comment faire pour mieux le gérer ?
  • Vous ne pouvez apprendre à gérer que votre propre outil, celui des autres, vous n’avez aucun impact dessus. Par contre, vous pouvez vous éloigner, vous protéger, contrer les outils de ceux qui n’ont pas une totale maîtrise de leur outil.
  • …ou qui prennent un malin plaisir à mal l’utiliser, dit Rebecca le regard noir.
  • Ou qui prennent un malin plaisir à l’utiliser répéta Marcel, un peu tristement. Oui, Rebecca.
  • Alors ça ne vaut pas la peine, il n’y a pas d’espoir.
  • Parce que certains manient mal leurs outils vous allez vous empêcher de créer une œuvre avec la vôtre ?

Décidément, Marcel ne la lâchait pas et ne lui permettait pas de se complaire dans son pessimisme profond.

  • C’est fatiguant…comment vous appelez-vous d’ailleurs ? nous ne nous sommes pas présentés. Rebecca.
  • Enchantée Marcel. Je disais que c’est fatiguant les gens qui font n’importe quoi, ça dégoûte, ça ne donne pas envie.
  • Découragement !
  • Quoi ?
  • Vous êtes découragée. Vous ne voyez pas le bout du tunnel.
  • Oui et il y en a plein qui ne le voit plus…d’ailleurs plusieurs partent, dit Rebecca de l’eau dans les yeux.
  • Le monde est cruel et comme l’être humain a cette facette, il l’utilise.
  • Pour quelle raison ?
  • Le plaisir !
  • Quoi ? s’exclama Rebecca horrifiée ! Le plaisir ?
  • Oui, il y a un côté excitant à avoir du pouvoir sur l’autre, vous ne trouvez pas ?
  • Beurk, dit Rebecca.
  • Vous vous idéalisez ma chère, sourit Marcel. N’avez-vous jamais embêté votre frère ou sœur juste pour le faire sortir de ses gonds ? ou votre père quand vous étiez adolescente ?

Rebecca scruta Marcel. Là, il la décontenançait. C’est vrai se dit-elle…mais…

  • J’étais enfant !
  • Oui, belle excuse ! je suis sûre qu’aujourd’hui dans certains domaines vous aimez sentir que vous êtes puissante et vous n’êtes plus une enfant. Mais il faut bien l’avouer, il y a certains adultes qui n’ont pas grandi à ce niveau-là et pour qui le plaisir de faire du mal est plus grand que le reste. C’est ainsi.
  • Pardon ? Ainsi, quoi ! Vous allez me faire la théorie de l’acceptation, c’est ça ?
  • C’est ça !
  • Vous êtes complice Marcel, si vous acceptez cette cruauté.
  • Me trouvez-vous cruel ?
  • Je ne vous connais pas assez. Peut-être aimez-vous écraser les coccinelles et tirez les oreilles de votre chat.

Marcel rit.

  • Nous avons tous une part de cruauté, mais notre cerveau justement par l’expérience, nous montre qu’elle ne nous est utile que pour avoir du pouvoir sur l’autre.
  • On tourne en rond Marcel.
  • Non, Rebecca ! Toutes les couleurs sont sur votre palette, à vous de choisir celles qui vous font le plus plaisir et ce n’es pas parce que votre entourage, ou la majeure partie des gens dessinent des cimetières qu’il faut vous y enterrez.
  • Décidemment on ne peut pas se plaindre avec vous, Marcel.

Marcel sourit et mit une main sur l’épaule de Rebecca.

  • Non, on chemine, c’est tout !
  • Alors je dois accepter la méchanceté, la violence, l’humiliation.

Rebecca fulminait. Non. Non. Non !

Marcel vit que sa compagne de route dérivait.

  • Rebecca, accepter, ne veut pas dire qu’il faut le devenir et trouver ça joli et beau ! C’est juste voir le monde comme il est, sans plus, ni moins. On ne vous demande pas de l’aimer, mais de l’accepter tel qu’il est, avec des gens sympas d’autres moins, des guerres, des cercles de guérison, des charlatans, des prisonniers, des artistes.
  • Je dois être observatrice et actrice, si j’ai bien compris, parce que finalement, je fais partie de ce monde-là.

Marcel se dit que Rebecca avait peut-être aperçu la lumière au fond du tunnel.

  • Parfois je me demande ce que j’ai à faire dans un monde pareil.
  • Comme la plupart des gens qui le souhaite meilleur. Mais après tout à toi de voir, peut-être qu’effectivement ça ne vaut plus la peine d’y rester.
  • Vous y allez un peu fort Marcel…Rebecca ne nota pas que ce dernier avait commencé à la tutoyer comme un ancien parle à un plus jeune.

Marcel avait réussi son retournement. Il était content. Elle s’avouait enfin que ces lamentations étaient le fruit d’une nouvelle avancée.

  • Je n’ai pas envie de partir, de mourir, je n’en ai jamais eu le souhait ! Mais j’aimerais que le monde change. C’est ça l’illusion ? grand sage ? taquina Rebecca.
  • Oui ou plutôt quitter l’illusion, chère Rebecca.

Ils arrivèrent à la sortie de la forêt.

Rebecca sentait qu’elle avait fait le tour de la question. Ca devenait clair !

  • Quand est-ce qu’on se revoit ? demanda Rebecca .
  • Au détour d’une autre balade Rebecca. À bientôt.

Marcel s’en alla en direction du village voisin alors que Rebecca rejoignit sa maison pour y commencer le début d’une nouvelle création.

Texte d’Aline Fridez – Tombé du Ciel.